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vendredi 11 juin 2010

L'immense forêt congolaise opte pour une gestion durable


Près de 2,5 millions d'hectares ont déjà été certifiés FSC, label alliant un suivi de la forêt, un volet social de qualité et le respect de la biodiversité.
Objectif : 10 millions en 2012.


Sapelli, wengé, azobé, ayou, bilinga… Autant de noms d'arbres aux consonances exotiques qui caractérisent la richesse de la forêt du bassin du Congo. Une marée verte qui couvre en tout 2 millions de kilomètres carrés, quatre fois la superficie de la France. L'un des trois grands massifs forestiers de la pla­nète, avec l'Amazonie et l'Indonésie, qui jouent un rôle clé dans le climat planétaire, en fixant du CO2 mais aussi en concentrant les précipitations.


La République du Congo (Brazzaville), qui abrite une partie de cette immense forêt à l'intérieur de ses frontières, a voulu en faire un atout environnemental et économique. Elle détient la plus grande superficie de forêt tropicale certifiée en Afrique centrale, soit 2,5 millions d'hectares sur 4 millions qui peuvent prétendre aujourd'hui au label FSC (Forest Stewardship Council). Mieux que l'Amazonie, qui a un million d'hectares certifiés. «La forêt ne peut plus être considérée comme une mine dans laquelle on pioche à volonté», affirme Donatien N'Zala, chargé de l'économie forestière du Congo.

Deux grandes entreprises d'exploitation forestière ont fait le pari de cette certification. Sur leurs concessions de plusieurs centaines de milliers d'hectares, la CIB (Congolaise industrielle des bois, du groupe danois DLH) et IFO (Industrie forestière de Ouesso, du groupe allemand Danzer) ont mis sur pied des plans d'aménagement rigoureux alliant un suivi de la forêt, un volet social de qualité et le respect de la biodiversité.


Côté forêt, tous les arbres sont inventoriés, cartographiés et exploités selon des règles précises. Tous les ans, une parcelle est désignée pour la coupe. «En moyenne, on ne prélève pas plus de 2 à 2,5 arbres par hectare pour les essences premières, entre 3 et 3,5 si l'on ajoute les essences secondaires», explique José Quaresma, directeur d'IFO. Le travail s'étale sur un an et «ensuite, nous n'y touchons plus pendant trente ans», poursuit Olivier Desmet, chef du service aménagement de la CIB.


La nature reprend ses droits, les pistes sont envahies par la végétation, la faune revient, et notamment les chimpanzés et gorilles ou les éléphants, que les entreprises tentent de protéger du braconnage en employant des éco-gardes.

Investissements bloqués


Détenir le label FSC suppose que l'on respecte des règles sociales et de sécurité pour les travailleurs de l'entreprise mais aussi pour les familles : logement, eau, électricité, soins, scolarité des enfants… «Comme les populations locales cèdent une partie de leur forêt à l'exploitation, l'entreprise verse au comité de développement local l'équivalent de 200 francs CFA par mètre cube vendu», poursuit Donatien N'Zala. L'an dernier, IFO a versé 160.000€ pour des programmes agri­coles.

Le respect des règles est contrôlé chaque année par des organismes vérificateurs et les résultats sont suivis à la loupe par les ONG. Pour les entreprises, le défi n'est pas mince quand la conjoncture se renverse comme aujourd'hui, entraînant licenciements et chômage tech­nique. Le gouvernement congolais a diminué quelques taxes, mais, pour certaines essences, les ventes ont parfois chuté de 40 à 50% et les prix se sont écroulés. «Nous avons suspendu l'exploitation des essences secondaires, car elles coûtent plus cher qu'elles ne rapportent», précise Olivier Desmet.

Les entreprises regrettent-elles d'avoir entrepris cette démarche de certification? Des deux côtés une même réponse : cela reste un avantage. «Le label FSC ne nous permet pas de vendre plus cher mais de nous maintenir sur le marché, notamment en Europe où l'on ne peut plus vendre sans être labellisé.» Il n'est donc pas question de revenir en arrière, même si beaucoup d'investissements sont aujourd'hui bloqués. L'Ifia (Association interafricaine des industries forestières), qui regroupe 300 entreprises, vise 10 millions d'hectares certifiés en 2012.

Du côté des autorités du pays, la route est tracée. «Il n'est plus question de céder nos matières premières et nos ressources, sans qu'elles subissent sur place, en Afrique, les transformations qui leur donnent une valeur ajoutée…», précise le président Denis Sassou-Nguesso dans un livre*. Cela suppose que des efforts soient faits en matière d'infrastructure : faute d'une ligne de chemin de fer qui marche, les cargaisons de bois s'écoulent par le port de Douala, au Cameroun, au lieu de celui de Pointe-Noire.

«Aujourd'hui, le niveau de pression sur la forêt, la flore et la faune des régions tropicales humides dépend principalement de la pression démographique et des axes de développement économique», souligne Guillaume Ernst, spécialiste de la région pour l'AFD (Agence française de développement). Ce n'est pas le cas des forêts du Congo-Brazzaville. Une carte maîtresse que ni l'État ni les entreprises n'entendent laisser filer.


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